Jusqu’à présent, les défenseurs de la transparence politique pouvaient se reposer sur Wikileaks pour relayer des fuites de documents confidentiels. Que les écologistes se rassurent, ils disposent désormais de WildLeaks, le WikiLeaks de la faune et la flore, soit une plateforme similaire qui permet de traquer les crimes environnementaux. Le site internet, créé en février 2014, permet à des lanceurs d’alerte de déposer de façon anonyme et confidentielle leurs informations afin dénoncer les crimes contre la nature.
Fondé et financé par l’Elephant Action League (EAL), une association californienne qui lutte contre le braconnage et notamment le trafic d’ivoire en Afrique, WildLeaks a pour ambitieux projet de faire tomber les véritables responsables de ces crimes, souvent haut placés. «Une des principales difficultés est d’identifier les personnes qui sont à la tête des réseaux», explique à Libération son fondateur Andrea Crosta, 45 ans, et directeur exécutif de l’EAL.
Pour cela, la solution réside selon Crosta dans la «fusion de deux mondes qui se complètent : la conservation de la vie sauvage et les techniques d’investigation internationale». Grâce à la technologie TOR, les internautes peuvent délivrer leurs informations sur le site de façon sûre et anonyme. «Il est extrêmement important que nous protégions l’anonymat sur notre plateforme, sans quoi on ne pourrait pas recueillir toutes ces informations», insiste son créateur. Et les premiers résultats n’ont pas tardé à apparaître : six mois seulement après sa création, la plateforme a déjà recueilli pas moins de trente «fuites» sérieuses, allant de la déforestation illégale en Sibérie au trafic de chimpanzés au Liberia.
La fiabilité des données partagées par les contributeurs est cependant affaiblie par cet impératif d’anonymat. Afin d’y remédier, les informations recueillies sont longuement vérifiées par un ensemble d’experts émanents de différentes ONG qui collaborent avec le site. WildLeaks se différencie en revanche de son modèle d’inspiration WikiLeaks dans le traitement des «fuites» récoltées : les informations vérifiées ne sont pas automatiquement révélées telles quelles au grand public. Une information confirmée peut être utilisée pour démarrer une enquête menée par une ONG associée, ou bien partagée avec des médias d’investigation. Elle peut aussi être transmise à un organisme gouvernemental d’application des lois afin de démarrer un processus judiciaire.
La plateforme en est encore à ses balbutiements, et n’a pas pour l’instant eu d’effet direct sur l’arrestation de trafiquants. Mais elle pourrait jouer un rôle clé pour comprendre comment se structurent ces réseaux obscurs et qui est à leur tête. «Pour cela, nous devons nous faire connaître et gagner la confiance de lanceurs d’alertes potentiels», admet Crosta. «Mais les gens doivent comprendre qu’il ne s’agit pas uniquement de lions ou de forêts, mais que le braconnage comporte un coût humain énorme» ajoute-t-il, comme il l’avait démontré dans une précédente enquête en dénonçant le lien entre braconnage et terrorisme.
http://www.liberation.fr/monde/2014/08/28/wildleaks-lanceur-d-alertes-vertes_1086667